Minuit douze minutes, dans la nuit du 7 au 8 décembre 2019. C’est à ce moment que le vote s’est terminé et que le projet de loi 34 a été adopté à l’Assemblée nationale.1 Maintenant adoptée, la loi 34 gèle les tarifs d’électricité pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 et les indexe par la suite à l’inflation jusqu’en 2025. Le gouvernement a momentanément fait taire l’opposition en imposant un bâillon pour l’adoption du projet de loi 34. Mais il a, du même coup, ouvert une boîte de pandore. Et quand on ouvre une boîte de pandore, il ne faut pas s’étonner de tout ce qu’on peut y trouver.
Un débat loin d’être terminé
Au dire de plusieurs, Hydro Québec sait tout, Hydro prévoit tout et Hydro contrôle tout. Bien sûr, c’est faux. De là, l’utilité des intervenants et de la Régie de l’énergie : mettre à l’épreuve les preuves d’Hydro-Québec. Mais avec la loi 34, les visites à la Régie de l’énergie pour discuter tarification seront moins fréquentes : tous les cinq ans plutôt qu’annuellement.
Le commun des consommateurs d’électricité du Québec ne connaît pas les groupes d’intérêt qui interviennent devant la Régie de l’énergie. Oh, il y a bien certains journalistes qui en citent un de temps à autre, mais ça se perd dans les autres nouvelles. Pourtant, ces intervenants ont fait œuvre utile depuis une vingtaine d’années.
Entre deux audiences quinquennales, je doute que les groupes d’intervenants restent silencieux. Ce n’est pas dans leur ADN. Les débats vont se poursuivre dans l’arène publique et les électeurs vont faire leur connaissance. Le gouvernement va se faire talonner sans arrêt. Plusieurs pourraient s’ennuyer des salles d’audience feutrées et anonymes de la Régie de l’énergie.
Dans la même boîte de pandore, on trouve aussi beaucoup de députés. Pour faire une analogie sportive, les trois partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont quand même de la profondeur. Leurs députés ne sont pas tous des recrues sans expérience. Bon nombre ont déjà occupé des fonctions ministérielles. Plusieurs autres méritent d’être mieux connus et le seront probablement. Le retrait de la détermination des tarifs d’électricité par la Régie de l’énergie n’a très certainement pas fini de rebondir à l’Assemblée nationale.
Les tarifs sont gelés, promis juré.
Contrairement à ce que plusieurs pensent, l’électeur n’est pas dupe. Un jour, un gouvernement lui a fait croire que le prix de l’électricité patrimoniale allait demeurer fixe ad vitam aeternam. Jusqu’au jour où un autre gouvernement a dit que « non-non, c’est fixe en terme réel, pas en terme nominal ». Bon, vous allez me dire que personne ne s’en souvient. Mais l’histoire, ça s’enseigne.
La loi 34 parle de gel des tarifs puis de leur indexation au niveau de l’inflation au cours des quatre prochaines années. Ça, c’est la théorie. Mais dans la pratique, plusieurs autres scénarios doivent être envisagés.
Le poker n’est pas un jeu de hasard. Il repose en grande partie sur la gestion du risque. Et le gouvernement semble s’y connaître en matière de poker. En tout cas, il sait comment bluffer. La loi 34 à l’article 48.3, précise en effet que Hydro-Québec peut demander à la Régie, avant 2025, de modifier les tarifs d’électricité.
Une telle chose est possible si Hydro-Québec démontre au gouvernement que, en raison de circonstances particulières, il ne sera plus en mesure de respecter ses obligations prévues à l’article 24 de la Loi sur Hydro-Québec. Et que dit cet article? Que Hydro-Québec doit maintenir ses tarifs d’énergie à un niveau suffisant pour défrayer tous ses frais d’exploitation, l’intérêt sur sa dette et l’amortissement de ses immobilisations sur une période maximum de cinquante ans.
La promesse du gouvernement porte sur le fait que les tarifs d’électricité sont gelés en 2020-21 et ensuite ajustés au niveau de l’inflation jusqu’en 2025, à moins que des circonstances particulières ne l’obligent à ne pas respecter sa promesse. Bref, si Hydro-Québec a besoin d’argent pour faire face à ses obligations, on retournera à la Régie de l’énergie pour demander une augmentation des tarifs au-delà de l’inflation.
Circonstances particulières
Ainsi, que va-t-il se passer si une autre catastrophe comme la crise du verglas de 1998 s’abat sur le Québec? Le cas échéant, qui va payer? Le gouvernement va-t-il demander à Hydro-Québec de réduire les dividendes qu’elle lui verse? Hydro-Québec va mettre des employés à pied pour réduire ses charges d’exploitation? On va attendre en 2025 avant d’ajuster les tarifs en conséquence? Ben voyons donc! On va vite invoquer l’article 48.3.
Le cas échéant, parions qu’il y aura une augmentation ponctuelle des tarifs de plusieurs points de pourcentage pour financer les dépenses engendrées par une catastrophe. Le gouvernement pourra aussi choisir le décret, c’est plus rapide qu’un bâillon.
Comme élu, je n’aimerais pas me réveiller chaque matin en me demandant si les intempéries risquent de mettre mes politiques en péril. Au Québec, il neige, il vente, il pleut et parfois, il verglasse. Gouverner selon l’air du temps et laisser la météo décider des politiques d’un gouvernement, c’est un « all-in », avec tous les risques conséquents.
Mais le gouvernement a fait le choix de repolitiser la fixation des tarifs d’électricité en retirant cette tâche de la Régie de l’énergie. Mais il a prévu une petite brèche dans la législation pour justifier une hausse en cas de besoin. En clair, la totalité du risque associé aux « circonstances particulières » est transféré aux consommateurs d’électricité.
Le gouvernement pourra se justifier en mettant la faute sur les changements climatiques. Ou sur une catastrophe économique qui priverait Hydro-Québec des revenus suffisants pour rencontrer ses obligations. Scénario de plus en plus probable ces jours-ci.
La tarification de l’électricité est-elle redevenue une arme politique aux mains du parti au pouvoir?
La météo ou la prochaine récession nous le dira bien assez tôt.
Bonjour.
Cet article réfère au signal de coût évité de la puissance qui reflète le coût d’approvisionnement sur les marchés de court terme. Vous pouvez vous référer à ce document pour en savoir plus.
Je viens de lire dans un article de La Presse publié le 28 novembre 14:00h, je crois que l’auteur de l’article est François Roy.
Il est écrit : A partir de 2025, la valeur d’un kilowatt au Québec passera d’ailleurs de 20$ a 115$.
Est-ce que ça se peut, est-ce que je comprends bien?????