Le 5 mars dernier, la Régie de l’énergie rendait sa décision dans le cadre de la Demande relative à l’établissement des tarifs d’électricité de l’année tarifaire 2019-2020 d’Hydro-Québec dans ses activités de distribution.
Dans sa décision, la Régie autorise, à compter du 1er avril 2019, une hausse tarifaire moyenne de 0,9 % pour l’ensemble des clients, à l’exception des grands clients industriels dont la hausse sera de 0,3 %. Des augmentations en deçà de l’inflation. C’est bien.
La Régie accorde aussi à Hydro-Québec Distribution un budget de 100,8 millions $ pour ses interventions en efficacité énergétique. C’est peu par rapport aux budgets des années récentes.
Mais au-delà des augmentations de tarif, et il s’agit ici d’une nouveauté qui est généralement passée sous les écrans radars, la Régie accepte la proposition d’Hydro-Québec Distribution d’introduire des options de tarification dynamique sur une base volontaire.
Évolution de la tarification électrique au Québec
Il fut un temps, lointain, où l’électricité était facturée à un tarif fixe. Avec le temps, dans le secteur résidentiel, Hydro-Québec a introduit une tarification à deux paliers en fonction du nombre de kWh consommé par jour. Pour l’année tarifaire qui se termine le 31 mars 2019, les 33 premiers kWh par jour et par mois sont facturés à un taux de 0,0582 $/kWh et le reste de la consommation à un taux de 0,0892 $/kWh. S’ajoute à cela, bien sûr, la redevance d’abonnement de 0,4064 $/jour.
Cette tarification ne tient pas compte de la demande de pointe journalière ou saisonnière. Elle reflète strictement la demande globale du client. Durant les mois les plus chauds, normalement de juin à octobre par exemple, si vous ne possédez pas de climatiseur, les chances sont que votre consommation sera suffisamment faible pour que toute l’électricité que vous consommez le soit au plus faible tarif. En hiver, si vous chauffez à l’électricité, vous allez sans aucun doute payer le tarif le plus élevé pour la portion de votre consommation qui dépasse le seuil de 33 kWh par jour.
La tarification dynamique
La tarification dynamique est une méthode de tarification de la puissance et de l’énergie électrique qui permet à un distributeur d’électricité de gérer la demande en période de pointe. Cette demande de pointe peut être journalière, saisonnière ou une combinaison des deux.
À plusieurs endroits, la gestion de la demande de pointe journalière est problématique à longueur d’année à cause de la nature des équipements de production d’électricité. Si une partie ou la majorité de l’électricité provient de centrales nucléaires, celles-ci vont produire sans arrêt une quantité plus ou moins fixe d’électricité. Pour combler les besoins additionnels, il peut y avoir toute une panoplie d’équipements en passant de l’énergie éolienne, au solaire photovoltaïque, aux centrales au gaz naturel ou au charbon, etc.
Si l’électricité provient de centrales au gaz naturel par exemple, plus vous consommez, plus vous devez brûler du gaz, et plus vous aurez besoin d’équipements de production de pointe qui parfois ne sont utiles que quelques heures par jour. C’est en partie la situation en Californie et dans plusieurs états américains. Le coût marginal de production d’électricité, selon l’heure de la journée, varie donc 1 Et la tarification dynamique est utilisée pour réduire la demande de pointe, et donc les coûts d’approvisionnement.
Le cas de l’Ontario
En Ontario, la plupart des habitations et des bâtiments sont chauffés au gaz naturel, au propane et au mazout. Aussi, la demande de pointe électrique est particulièrement critique pendant les mois d’été à cause de besoins en climatisation. Pour réguler la demande électrique, la Régie de l’énergie de l’Ontario fixe annuellement une grille tarifaire en fonction de l’heure de la consommation et aussi en fonction des saisons.
De mai à octobre, de 7 h à 11 h, le prix du kWh est de 9,4 cents. De 11 h à 17 h, il est de 13,2 cents, revient à 9,4 de 17 h à 19 h pour ensuite tomber à 6,5 cents de 19 h jusqu’au lendemain matin 7 h. En été, la demande de pointe journalière en Ontario est particulièrement critique au milieu de la journée à cause des besoins de climatisation des bâtiments non-résidentiels, ce qui explique le tarif plus élevé en pleine journée.2
Pendant les mois d’hiver, la demande de pointe journalière ressemble plus à celle du Québec. On la retrouve le matin et à l’heure du souper. Ainsi, de 7 h à 11 h, le tarif est de 13,2 cents/kWh, il descend à 9,4 cents de 11 h à 17 h, il remonte à 13,2 de 17 h à 19 h et il tombe à 6,5 cents à compter de 19 h jusqu’au lendemain matin 7 h.
Le cas du Québec
Au Québec, la demande de pointe journalière est moins problématique qu’en Ontario et dans d’autres juridictions et cela pour la plupart des jours dans l’année. Comme les approvisionnements électriques du Québec sont principalement hydrauliques, peu importe l’heure de la journée, l’eau des rivières qui alimentent nos centrales hydroélectriques va forcément continuer de couler. Ou bien on turbine, ou bien on laisse passer l’eau par-dessus les barrages ou dans les évacuateurs. Aussi bien turbiner et en profiter.
Par contre, à cause de son climat, le Québec doit composer avec une demande de pointe saisonnière qui elle entraîne certaines contraintes en période de pointe journalière. Quand il fait – 30° C et que nous sommes à l’heure du souper ou à l’heure des douches du matin, la situation peut devenir critique. Cette combinaison de grand froid et de demande de pointe journalière nécessite une gestion serrée des approvisionnements et de la distribution de l’électricité. Et c’est là que la tarification dynamique peut jouer un rôle régulateur tant sur la demande en puissance que sur la demande d’énergie.
La tarification dynamique adaptée au Québec
Avant d’aller plus loin dans cette discussion, précisons à nouveau que la tarification dynamique que vient d’autoriser la Régie se fera sur une base volontaire. Aucun client ne sera donc obligé à y adhérer…pour l’instant, puisque rien n’est immuable et que le passé n’est pas garant de l’avenir. On l’a déjà vu avec le tarif patrimonial. Je garde ce sujet pour un prochain article.
La décision de la Régie de l’énergie comporte deux volets. D’abord, elle autorise l’établissement d’un crédit en pointe critique. Selon Hydro-Québec Distribution, les événements de pointe critique se produisent, en moyenne, un maximum de 100 heures par hiver. Aussi, et pendant les événements de pointe critique – qui peuvent se produire en hiver entre 6 h et 9 h ou de 16 h à 20 h – Hydro-Québec Distribution versera un crédit de 50 cents / kWh pour chaque kWh qu’un client effacera de sa demande. Cet effacement correspond à la différence entre ce que le client aurait normalement consommé, sans événement, et ce qu’il a effectivement consommé lors de cet événement. Pour ceux et celles qui se demandent encore à quoi servent les nouveaux compteurs, en voilà un bel exemple.
Ensuite, la décision de la Régie introduit un tarif de pointe critique. Dans ce cas, le client qui adhère au programme, devra payer un tarif significativement plus élevé de 50 cents / kWh pendant les événements de pointe critique – un incitatif clair à réduire sa consommation – mais profitera d’un tarif plus faible par rapport au tarif régulier durant les 2 800 heures restantes pour la période d’hiver. La Régie a également statué que le tarif de pointe critique devait être calibré sur la base de 90 heures d’effacement au lieu de 100 comme le proposait Hydro-Québec Distribution.
La plupart des organismes qui interviennent dans les causes tarifaires d’Hydro-Québec Distribution se sont montrés favorables à la tarification dynamique. Notons que cette nouvelle formule tarifaire sera aussi introduite sur une base expérimentale auprès d’un nombre restreint de clients non résidentiels.
Il sera intéressant de voir les résultats de cette nouvelle tarification. Hydro-Québec Distribution devra déposer un suivi devant la Régie au plus tard lors du dépôt du dossier tarifaire 2021-2022. Comme le dépôt du dossier tarifaire devrait se faire dans la seconde moitié de l’année 2020, le rapport de suivi portera donc sur la période d’hiver 2019-2020.
Une bonne chose mais…
Les efforts d’Hydro-Québec Distribution pour effacer la demande de pointe hivernale sont louables. Les deux options de tarification dynamiques pour les événements horaires ou journaliers de pointe critique sont très intéressantes. Elles s’ajoutent au tarif biénergie comme j’en ai déjà discuté dans un autre article.
Mais je continue à me poser de sérieuses questions concernant les programmes Rénoclimat et Chauffez vert de Transition énergétique Québec et du programme RénoVert de Revenu Québec. À coup de milliers de dollars de subventions et de crédits d’impôts, ces programmes incitent les propriétaires de maison à adopter le chauffage électrique en remplacement, par exemple, de systèmes de chauffage au mazout ou au propane.
Ainsi, chaque fois qu’une telle conversion se produit, elle contribue à amplifier les événements de pointe critique pour Hydro-Québec Distribution. C’est comme si le gouvernement détricotait au fur et à mesure un foulard qu’Hydro-Québec Distribution essaie de tricoter.
Oui, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre. Oui on veut débarrasser le Québec des produits pétroliers. Mais serait-il possible de le faire avec un minimum de logique?
Présentement, ce sont les abonnés d’Hydro-Québec Distribution qui payent pour des programmes qui s’annulent les uns les autres. Pas sûr de comprendre. Vous?
Notes
- https://www.pge.com/en_US/small-medium-business/your-account/rates-and-rate-options/time-of-use-rates.page
- https://www.oeb.ca/rates-and-your-bill/electricity-rates/managing-costs-time-use-rates