Il y a quelques années, le gouvernement du Québec a choisi un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) de GES pour lutter contre les changements climatiques. Un tel système recourt à la fois à des interventions gouvernementales (par exemple, la détermination du plafonnement des émissions de GES) ainsi qu’aux forces du marché pour déterminer le prix des droits d’émissions. Le SPEDE québécois est lié depuis 2014 à celui de la Californie et tous deux opèrent selon les lignes directrices et les règles de fonctionnement de la Western Climate Initiative (WCI).
Le système québécois
Le site Internet du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques propose plusieurs documents de référence qui aident à comprendre les mécanismes du SPEDE et son fonctionnement. En gros, le système s’adresse aux entreprises ou aux municipalités qui émettent plus de 25 000 tonnes métriques d’équivalent CO2 par année. Au 20 novembre 2018, il y avait environ 170 émetteurs visés par le règlement québécois concernant le SPEDE de GES.
Les droits d’émission sont délivrés par le gouvernement et chaque unité correspond à une tonne de CO2. Le 12 décembre 2012, par la voie d’un décret (Décret 1185-2012) le gouvernement a fixé les plafonds d’unités d’émission qui peuvent être accordées pour la période 2013-2020. Par exemple, le plafond pour 2015 était fixé à 65,3 millions d’unités d’émission (donc 65,3 millions de tonnes de CO2) et il sera fixé à 54,74 millions d’unités en 2020. Selon le Décret 1185-2012, le plafond diminue nominalement de 2.11 millions d’unités par année de 2015 à 2020, ce qui représente une diminution croissante en pourcentage d’une année à l’autre, soit 3,23 % en 2016 par rapport à 2015 et 3,71 % en 2020 par rapport à 2019.
Les émetteurs industriels qui font face à la concurrence étrangère reçoivent gratuitement les unités d’émission. Cette approche a pour objectif d’éviter la relocalisation de leurs usines dans des régions où il n’existe pas de mécanisme de plafonnement et d’échange de droits d’émission ou de tarification de la pollution par le carbone. En ce qui concerne les producteurs d’électricité ainsi que les distributeurs de carburants ou de combustibles fossiles, ils ne reçoivent aucune unité d’émission gratuite.
Ventes aux enchères
Tous les participants au SPEDE peuvent acheter ou revendre des droits d’émission. En gros, ce système fonctionne selon le principe des ventes aux enchères mais avec un prix de réserve ou un prix plancher. Les enchères, ont lieu en février, mai, août et novembre de chaque année. Un prix plancher a été fixé à 10,75 $ en décembre 2013 et a été augmenté de 5 % en 2014 plus l’inflation. Depuis février 2015, le Québec et la Californie tiennent des enchères conjointes et le prix plancher est celui libellé en dollars américains. Il est ainsi passé de 11,34 $É.-U. en 2015 à 12,73 $É.-U. en 2016, à 13,57 $ É.-U. en 2017 et à 14,53 $ É.-U. en 2018.
Le SPEDE fonctionne donc dans un environnement où les droits d’émissions disponibles diminuent dans le temps et où un prix plancher est imposé. Il n’est donc pas tout-à-fait exact the prétendre que le SPEDE lance un signal de prix fort à l’économie. Ce serait le cas seulement si les quantités et les prix étaient tous deux fixés librement par les forces du marché. Jusqu’à maintenant, ce système a fonctionné (avec certaines ratées en 2016 et en 2017) dans un contexte de croissance économique tant en Californie qu’au Québec. Il sera intéressant de voir ce qui se produira dans un contexte de ralentissement économique ou lors d’une récession. J’ai hâte de voir si les entreprises vont prioriser les emplois ou les émissions de GES.
Où va le produit des enchères?
Au Québec, les sommes recueillies lors des ventes aux enchères aboutissent dans le Fonds vert. Les droits perçus dans le cadre du SPEDE servent, en principe, à la lutte contre les changements climatiques. Il peut alors s’agir de dépenses, par exemple de subventions pour l’achat de biens semi-durables comme des voitures électriques dont la valeur diminue au fil des ans, ou d’investissements dans des infrastructures, comme les réseaux de transport en commun ou l’installation de bornes de recharge pour les voitures électriques.
Ailleurs au Canada
Sous le gouvernement de Kathleen Wynne, l’Ontario s’était jointe au Québec et à la Californie à la fin de 2017. L’Ontario a d’ailleurs participé à deux ventes aux enchères conjointes en février et mai 2018 avant que le gouvernement de Doug Ford élu en juin ne retire l’Ontario de ce marché du carbone. Au moment d’écrire cet article, la Nouvelle-Écosse s’était jointe à la WCI, mais n’avait pas encore participé à une vente aux enchères.
De son côté, le gouvernement du Canada a choisi en 2016 une approche de tarification de la pollution par le carbone. Cette approche serait plus transparente et minimiserait l’intervention directe du gouvernement. Le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre le 21 juin 2018. Celle-ci prévoit un système d’échange pour les grandes industries ainsi qu’une redevance réglementaire sur les combustibles.
Le modèle fédéral est coercitif en ce sens qu’il sera imposé aux provinces qui n’ont pas élaboré leur propre système de tarification du carbone ou dont le mécanisme en place ne répond pas aux critères du modèle fédéral. Le système québécois répond aux exigences du gouvernement fédéral. C’est donc le SPEDE qui continuera de s’appliquer au Québec.