De l’utilité temporaire des aides financières

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Dans un monde normal, et dans un processus de transformation des marchés normal, les subventions ou les aides financières servent de bougies d’allumage pour renforcer le mouvement initial visant à favoriser l’introduction d’une nouvelle technologie dans les marchés. En théorie, ces aides financières doivent stimuler la demande d’un produit en réduisant son coût d’acquisition. Ce prix réduit aura pour conséquence de stimuler la demande et potentiellement entraîner une production de masse. En retour, et grâce aux économies d’échelle, la production de masse fera baisser les coûts de production unitaire, rendra la subvention inutile, et les ventes augmenteront de manière naturelle. Économie 101.

Transformer les marchés

Cela dit, et malgré toute la bonne volonté du monde, il se peut fort bien qu’on ne parvienne pas à réduire les coûts de production pour une technologie particulière. Le prix élevé, et souvent incompressible, constituera alors une importante barrière à la commercialisation de la technologie. Il y a tout plein d’exemples à l’appui de ce principe. La géothermie résidentielle en est un convaincant. Or, si la subvention ne permet pas une plus forte pénétration d’une technologie ou d’un produit dans les marchés, la logique économique doit l’emporter. Les chercheurs doivent continuer à chercher jusqu’à ce qu’ils trouvent des solutions permettant de réduire les coûts de production afin de rendre les produits commercialisables. C’est ça, l’innovation.

En matière de produits consommateurs d’énergie, cela veut dire en améliorer la performance. Mais entre-temps, le gaspillage subventionnaire doit cesser. Si le marché ne veut pas d’un produit à un prix donné, et ce, malgré d’importantes subventions, inutile d’essayer de le lui enfoncer dans la gorge. L’acharnement ne profite qu’aux profiteurs. En efficacité énergétique, on les appelle les opportunistes.

Mais il se peut que l’opération fonctionne et que les subventions favorisent une pénétration accrue d’une technologie dans un marché. Comme mentionné plus haut, cela se produit parce que les économies d’échelle auront permis de réduire les coûts de production et, par conséquent, le prix de détail. Le cas échéant, les subventions et aides financières doivent aussi cesser. Et dans un monde normal, cette opération ne prend pas 10 ans, ni 20 et encore moins 40, quelques années suffisent, disons deux ou trois.

Du bon usage de la réglementation

Une fois la courte et temporaire étape subventionnaire passée, d’autres mécanismes doivent prendre le relais. Les approches réglementaires font partie des options. Mais la réglementation n’est jamais populaire auprès des électeurs. Ce qui permet de gagner une élection, ce sont les cadeaux et les bonbons. Pour le politique, il est beaucoup plus avisé de personnifier Saint-Nicholas que le Père Fouettard.

Il en va des subventions comme des drogues. Plus on en a, plus on s’y habitue. Plus on s’y habitue, plus on en veut. Aussi, et à force d’en mettre et d’en rajouter, année après année après année, ce qui devrait être une mesure temporaire prend un caractère permanent. Si on retire une subvention, le consommateur moyen prendra un pas de recul et modifiera ses habitudes de consommation en attendant le retour d’un nouveau programme de subventions. La norme n’est donc plus une subvention temporaire, mais une subvention permanente.

L’exemple de l’Ontario

L’Ontario nous a donné en 2018 une excellente illustration de ce phénomène. La fin des subventions pour les voitures électriques à la suite de l’élection de Doug Ford aurait provoqué une chute soudaine des ventes de ce type de véhicules dans la province. C’était parfaitement prévisible. Quand on intervient dans le marché pour modifier le comportement des consommateurs – en déplaçant les volumes d’achats dans le temps par exemple – on doit normalement s’attendre à ce que la fin d’une subvention soit suivie d’une certaine déprime dans la demande d’un produit qui était auparavant subventionné. Mais d’ici deux ou trois ans, la demande pour les véhicules électriques retournera forcément à sa croissance tendancielle.

On peut s’offusquer du comportement de Doug Ford. Mais on ne peut nier une autre évidence : l’achat d’une voiture électrique se rentabilise en quelques années, et ce, sans subvention. Ce n’est pas moi qui l’affirme : c’est le propriétaire du taxi à mon retour de Paris entre l’aéroport et ma résidence. Retour sur investissement de deux ans selon lui. D’accord, il fait 80 000 km par an. Disons donc cinq ou six ans pour le commun des mortels. Est-ce que ça justifie une subvention? Je pose donc la question : pourquoi subventionner une mesure rentable pour le consommateur? Les chèques en blanc ne sont pas nécessairement la meilleure méthode d’investir en matière d’efficacité énergétique. Le gouvernement de François Legault devrait y réfléchir.

Subventions injustifiées pour les voitures électriques

Au Québec présentement, les subventions à l’achat des véhicules électriques ne servent qu’à devancer la décision d’achat du consommateur qui l’aurait fait dans le futur de toute façon. Pire encore, on donne un cadeau aux opportunistes qui auraient acheté ce genre de véhicule de toute manière. Quelqu’un qui a les moyens de s’acheter une voiture électrique à 74 999 $ a très certainement les moyens de se passer d’une subvention de 8000 $. On pourrait d’ailleurs facilement prétendre que le taux d’opportunisme dans le cas des subventions pour l’achat de voitures électriques frise 100 %.

Mais il y a pire. Si vous achetez une voiture électrique usagée, vous aurez droit à une subvention de 4000 $. Donc, le même véhicule aura été subventionné à hauteur de 12 000 $. J’imagine que, s’il est revendu deux autres fois, il aura été subventionné à hauteur de 16 000 $ ou 20 000 $. Tant qu’à faire, le gouvernement devrait acheter directement les véhicules et les donner aux citoyens québécois.

Acceptons une évidence : ce n’est pas le volume d’achat des véhicules électriques du Québec qui va avoir un impact sur la R&D ou sur l’accroissement de la production à l’échelle mondiale. Il n’y a absolument rien de mal de se contenter d’adopter les technologies des autres. Et l’argent qu’on dépense en subventions aux véhicules électriques pourrait faire oeuvre utile ailleurs où ça peut faire la différence.

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