Qui se cache derrière Greta Thunberg?

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Il n’y a aucun doute dans mon esprit que Greta Thunberg croit avec ferveur à ce qu’elle fait. Parce que militer pour préserver la qualité de vie sur notre planète, c’est une mission. Bien sûr, la démarche environnementale de Greta Thunberg ne laisse personne indifférent. Il est clair qu’elle mobilise. C’est dans tous les médias de par le monde depuis des semaines. Mais elle dérange aussi. Il suffit de recenser les regrettables insultes dont elle fait l’objet pour s’en convaincre.

Cela dit, peut-on discuter de la pertinence de cette démarche de manière posée? Avertissement : je n’ai aucune idée préconçue à cet égard! Tout ce qui se dit et s’écrit là-dessus semble refléter l’extrême de ceci ou l’extrême de cela. Où se cache l’extrême centre? Je me pose donc des questions. Par exemple, est-ce encore possible, de nos jours, de douter des motivations véritables derrière les initiatives énergétiques ou environnementales? On le peut certes, mais c’est généralement risqué. Une volée de bois vert est tellement vite arrivée. Et le bois, c’est dur, surtout quand il est vert. Mais on peut certainement en parler.

Les mouvements de masse

J’ai déjà écrit dans ces pages que je n’aime pas les mouvements de masse. Dans le cas des événements violents, il suffit que quelques casseurs professionnels fassent du tapage pour que des suiveux désœuvrés s’y joignent. C’est là une manière de se rendre intéressant. En général, ça dérape et ça ne fait que polariser les opinions populaires. Personne n’y gagne en bout de ligne.

Les manifestations pacifiques sont plus difficiles à cerner. En règle générale, celles-ci attirent surtout des gens sincères. Trop peut-être. La sincérité ratisse parfois assez large. On accueille trop facilement une mixité d’intérêts au spectre étendu. Difficile de trouver une ligne directrice. Ça part dans toutes les directions, et on finit par ne plus savoir où on s’en va. Et souvent, personne n’y gagne, là non plus.

La référence ultime sur ce sujet est le livre de Serge Tchakhotine, Le Viol des foules par la propagande politique. Un ouvrage très intéressant, mais qui est relativement difficile à lire. Comme alternative, je vous suggère la Psychologie des foules de Gustave Le Bon. Beaucoup plus accessible, et ça se lit en un après-midi.

C’est la faute des jeunes

Ça fait plusieurs années qu’on regarde évoluer les générations Y et Z.1 Trop près de leur nombril. Égoïstes. Enfants rois. Mais ils ont vieilli ! Pendant plusieurs années, on a qualifié leurs crisettes de centre d’achat de babillages enfantins. Je ne partage pas nécessairement cette opinion.

Mais constatons et accueillons positivement que le discours de plusieurs commence à se structurer. Il s’articule et se tient, pas toujours, mais souvent. Bravo. Voilà des premiers pas prometteurs pour l’avenir des débats publics. Attention aux excès cependant. Ça contribuerait à diluer la valeur de la démarche et des messages que l’on veut communiquer.

Quand on suit les allées et venues de Greta Thunberg, on remarque, sur la ligne de front, des jeunes, en majorité des Z, mais aussi de jeunes Y. Ils sont en train de réussir un tour de force. Ils transforment leur égoïsme individuel en nombrilisme de masse. Bref, ils pensent à leur avenir collectif et cherchent des moyens pour préserver leur planète, notre planète. C’est le propre de la jeunesse. En plus, par la force de la démographie, ils sont majoritaires. Aussi bien les écouter. Et puis comme l’alphabet ne prévoit rien après le « z », on comprend l’urgence d’agir.

Qui doit faire quoi?

Il est facile de réclamer des actions des entreprises. Il suffit de lever le doigt accusateur et de le pointer tantôt sur les pétrolières, tantôt sur les producteurs agricoles, tantôt sur les papetières et, accessoirement, sur les cimenteries. Ça demande peu d’efforts.

À titre d’exemple, il est aisé de remettre en question l’usage de produits pétroliers. On peut aussi questionner la pertinence de faire voyager des fruits exotiques d’un bout à l’autre de la planète. Il est aussi possible de vivre dans une société sans papier ou de cesser d’utiliser du béton dans la construction.

Rappelons-nous toutefois que les entreprises mettent sur le marché des produits qui sont demandés par les individus. C’est une question d’offre et de demande. La portée des accusations a donc des limites, et un devoir d’introspection est de mise.

Une question de choix

Le consommateur a un pouvoir infini sur l’environnement. C’est un pouvoir de renonciation. Et la question est simple et complexe à la fois. À quoi sommes-nous prêts à renoncer, individuellement, pour avoir un impact d’abord mesurable, et ensuite significatif à l’échelle globale? Parce que renoncer à notre confort semble la seule solution. S’engager fermement et définitivement dans la décroissance.

Une telle avenue est parsemée d’embûches. Personne dans les pays nantis ne peut se permettre de faire la leçon à qui que ce soit en matière d’émancipation économique. Surtout que ça fait plus de 40 ans qu’on essaie de faire du recyclage intelligemment, et nous avons prouvé que nous étions parfaitement incompétents en cette matière. À regarder nos poubelles faire des voyages transocéaniques aller-retour, on devrait se garder une petite gêne en ce qui concerne la morale.

C’est dans la nature humaine de vouloir améliorer son sort. Et c’est surtout dans la nature humaine de vouloir améliorer le sort de ses enfants. La privation n’est généralement pas associée à une augmentation du confort ou de la qualité de vie.

Décider de ne pas renoncer revient à demander aux gouvernements de décider à notre place. Or, en démocratie, les priorités et les actions sont évaluées par l’humeur de l’électorat. Et l’électorat passe ses messages à chaque élection. Cela dit, encore faut-il aller voter. Il ne suffit pas de se plaindre. Il faut aller à l’école, se faire élire et ensuite décider. Ça ne sera pas plus long que de tenter de convaincre les gouvernements actuels.

Anxiété intergénérationnelle

Quand j’étais jeune, dans les années soixante et soixante-dix, les masses humaines de ma génération souffraient de nucléoanxiété. À cette époque, la fin de l’humanité était à nos portes, ou plutôt dans le ciel. Tous les jours, les médias nous rappelaient qu’une guerre mondiale nucléaire était imminente. Nous devions tous, à plus ou moins brève échéance, être vitrifiés. Seules les amibes et quelques microbes allaient survivre à l’hécatombe. Bon. Ce n’est pas arrivé.

Notre anxiété générationnelle reposait essentiellement sur une fin abrupte et annoncée de l’humanité. Dans pareil contexte, à quoi servait-il d’étudier si c’était pour finir en poussière atmosphérique? Pourquoi faire des enfants si tout est pour exploser demain? À quoi bon planifier l’avenir si le présent n’a pas de suite.

À moins de ne pas être attentif à ce qui se passe maintenant, les mêmes questions existentielles se posent aujourd’hui. La menace nucléaire a tout simplement été remplacée par une menace de surconsommation énergétique et par notre mauvaise gestion de l’environnement.

Alors, qui se cache derrière Greta Thunberg?

Personnellement, s’il y a quelqu’un, je m’en balance passablement. Ce qui m’importe, c’est beaucoup plus de voir ce qu’il y a devant elle. Et ça, il faut y réfléchir, qu’on soit d’accord ou non avec sa croisade.

Notes

  1. Sans ouvrir un débat de société, je considère que les Y sont nés entre 1980 et 1999 et les Y après l’an 2000.

Un commentaire

  1. C’est vrai que chaque génération fait face à ses défis et ses angoisses par rapport à l’avenir. Lorsque j’étudiais en Sciences Atmosphériques à l’Université McGill au début des années 1990, la menace nucléaire faisait beaucoup moins l’actualité, mais nous étions angoissés par le gâchis des finances publiques qui minait nos perspective d’emploi. J’en voulais beaucoup aux baby boomers et je me méfie toujours des gens de cette génération qui ont tout pris au passage.

    Pendant mes études en Sciences Atmosphériques, une certaine inquiétude commençait à s’emparer de nos professeurs lorsqu’ils nous présentaient les plus récents modèles sur le réchauffement induit par le CO2, notamment celui de James Hansen (https://tinyurl.com/yyj73klu) qui prévoyait en réchauffement pouvant aller jusqu’à 4 degrés en 2100. Je me souviens très bien que même nos professeurs à cette époque ne croyaient pas trop aux scénarios les plus pessimistes. Ils croyaient qu’un réchauffement de 1 à 2 degrés vers 2100 était réaliste… ils avaient tort, les scénarios les plus pessimistes sont aujourd’hui les plus probables.

    Emparé d’un grand sentiment d’impuissance, James Hansen s’est aujourd’hui radicalisé et transformé en militant (https://tinyurl.com/y3lxhwp3) bien avant Greta Thunberg. 

    Lorsque notre médecin nous annonce que nous avons le cancer, le traitons-nous d’alarmiste ? Lorsqu’il nous prescrit un traitement, le remettons-nous en question parce que cela pourrait perturber nos habitudes vie?

    Pourquoi ne pas écouter les scientifiques du climat? 

    Les données ne font plus aucun doute (https://www.climatelevels.org/), les causes sont connus et les conséquences du réchauffement en cours sont extrêmement dangereux et bientôt irréversible. Les scientifiques les plus actifs nous en font la démonstration quotidienne (https://sites.uci.edu/zlabe/arctic-sea-ice-figures/).

    Pourquoi prendre ce risque? Parce que certains prétendent, à tort, que cela passe inévitablement par une décroissance? 

    L’inertie n’est pas une option et comme Greta l’a si bien dit cette semaine, le temps des discussions est fini, il faut maintenant passer à l’action.

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