Le gouvernement en a pris plusieurs par surprise le 25 juin dernier en proposant le changement de nom du Fonds vert et l’élimination de Transition énergétique Québec (TÉQ).1 Pris par surprise, peut-être, mais faut-il s’en surprendre? Pour peu qu’on s’intéresse à l’environnement et à l’efficacité énergétique, c’était écrit dans le ciel. Ou plutôt, inscrit en filigrane dans le dernier rapport du Conseil de gestion du Fonds vert (CGFV).
Le CGFV passerait aussi à la guillotine. Ça, c’était moins prévu même si on pouvait s’en douter en lisant entre les lignes du dernier budget. Pour une fois qu’un organisme de surveillance faisait son travail correctement. C’est probablement ce qui a ébranlé ses fondations. Pas facile de dire ouvertement que la machine gouvernementale est hors de contrôle. Dans ce milieu, tous savent que l’avenir n’est jamais très rose pour les lanceurs d’alerte. Leçon à retenir : faites votre travail, mais n’en faites pas trop.
Le Fonds d’électrification et de changements climatiques
Le Fonds vert va donc survivre jusqu’à ce que le gouvernement introduise et adopte les modifications législatives requises. Pour l’essentiel, il changera de nom pour refléter pleinement et clairement le recentrage de sa mission. Maintenant que la poussière retombe sur cette proposition, prenons une ou deux grandes respirations et regardons la question avec sérénité. Inutile de céder à la crise d’urticaire.
On peut déduire de l’annonce que la mécanique principale portant sur le financement du Fonds restera en place. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer, car l’argent va continuer de s’y accumuler. De plus, c’est le ministre, pardon le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatique, qui prendra seul le contrôle du Fonds. Ce sera une bonne chose de gagnée, puisque tout un chacun dans le gouvernement y pigeait plus ou moins à volonté.
La nature du Fonds demeurera aussi la même. Ça par contre, on peu s’en inquiéter. Rappelons-nous que, contrairement au Fonds des générations par exemple, qui est affecté exclusivement au remboursement de la dette du Québec, le Fonds vert n’est pas un fonds dédié. Autrement dit, c’est un fonds strictement comptable dans la grosse cagnotte qu’est le fonds consolidé du revenu du Québec. Il n’est pas forcément dédié aux changements climatiques.
Le gouvernement peut donc faire ce que bon lui semble avec l’argent qu’on y verse. Il peut financer une ligne rose, un tramway ou un tunnel. Si l’idée de construire une école Bruntland ou d’acheter du sel d’épandage pour l’hiver prochain lui passe par la tête, il peut le faire. S’il ne dépense pas tout l’argent qu’on ramasse, il peut s’en servir pour donner l’illusion d’un budget équilibré – ou dégager un surplus momentané. Tiens donc.
Absence d’opposition…ou si peu
Ce qui est le plus surprenant depuis l’annonce, c’est de voir le peu de gens offusqués. En temps normal, des dizaines d’organismes environnementaux seraient montés aux barricades. Mais non. Quelques esbroufes, certes, mais rien de bien sérieux. Une ou deux montées de lait, mais sans plus.
Il faut dire que la semaine précédente, plusieurs individus et représentants d’organismes du domaine de l’environnement et de l’énergie s’étaient fait nommer pour faire partie de groupes de travail de la société civile pour l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques. 2
Sur la twittosphère, à peu près tous ces nouveaux nommés se sont déclarés heureux de travailler main dans la main avec le gouvernement. Difficile quelques jours plus tard de s’inscrire en faux devant les décisions de ce dernier et surtout de mordre la main qui nourrit.
Mais l’opposition viendra sans doute plus tard à l’automne, quand les modifications législatives nécessaires à la restructuration du Fonds vert et de TÉQ seront déposées à l’Assemblée nationale et débattues. Inutile de gâcher ses vacances d’été pour si peu.
Un Fonds axé sur l’électricité
Pour les observateurs de la scène politique, il ne fait aucun doute que le gouvernement actuel est un fier promoteur de l’hydroélectricité québécoise. Que celle-ci soit exportée ou consommée au Québec, on souhaite qu’elle déplace les combustibles fossiles. Tout-à-fait normal. Quand une nation est dotée d’une ressource d’une telle qualité, elle serait bien mal avisée de ne pas l’exploiter.
Cependant, comme dans toute chose, cette exploitation doit se faire logiquement et de façon responsable. Pendant des années, quand on parlait d’utilisation rationnelle de l’énergie, il était aussi commun d’inclure un volet de diversification énergétique. C’est une sage question de répartition d’oeufs et de paniers.
La bonne nouvelle
Nous devons accueillir favorablement la proposition du gouvernement du Québec d’assurer la transparence et la reddition de comptes liées à la gestion du nouveau Fonds d’électrification et de changements climatiques.
De savoir qu’un rôle indépendant de vérification du Fonds sera confié à la Vérificatrice générale du Québec rassure. Que celle-ci soit assistée du commissaire au développement durable est aussi une chose positive.3
Certains seraient sans doute tentés de verser dans le sarcasme et affirmer que plus ça change, plus c’est pareil.
Donnons la chance au coureur, mais gardons tout de même une petite réserve sur nos excès d’optimisme.