R.I.P. Transition énergétique Québec. Pis?

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Revenons sur la conférence de presse du 25 juin des ministres Benoît Charette et Jonathan Julien.1  On y annonçait le démantèlement de Transition énergétique Québec (TÉQ) et la réintégration des employés au sein du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN). Il fallait s’y attendre. Ça fait 42 ans qu’on organise et réorganise l’efficacité énergétique au sein du gouvernement du Québec comme en fait foi l’illustration suivante. Mais c’est probablement pour le mieux.

Problème d’attitude?

Comme nous en avons déjà parlé dans Québec Énergie, la Régie de l’énergie doit donner son avis sur la capacité du plan directeur à atteindre des cibles de réduction de GES fixées dans le Décret 537-2017. On sait par ailleurs que le gouvernement a déjà ordonné que c’était bien le cas dans le Décret 707-2018.

Les cibles sont si basses que même en ne faisant absolument rien, les seules améliorations énergétiques tendancielles dans un scénario de statu quo vont permettre de les atteindre. En fait, les cibles actuelles sont plus basses que les précédentes. Faire moins avec plus, faut le faire.

Le chemin ayant conduit à la création de TÉQ laissait présager beaucoup d’espoir chez les intervenants en efficacité énergétique. Mais dès ses premiers pas, l’organisme a dégagé une certaine suffisance, frisant parfois l’arrogance. Il suffit de lire les transcriptions des audiences devant la Régie de l’énergie à la suite du dépôt du plan directeur en 2018 pour s’en convaincre.

Le refus de trop?

Pendant les audiences, les représentants de TÉQ ont refusé de participer pleinement à l’exercice réglementaire. Pourtant, il aurait suffit à TÉQ de faire juste un peu semblant de jouer le jeu, ne serait-ce que pour se faire des amis.

Les représentants de TÉQ ont invoqué les textes de lois pour refuser de répondre aux demandes de renseignements de la Régie de l’énergie à plusieurs reprises. Un peu plus et ils lui disait de se mêler de ses affaires.2 Dans les documents de l’audience, on ne compte plus les récurrences de cette laconique réponse de TÉQ aux nombreuses demandes de renseignements: «La demande d’informations dépasse le cadre de la demande de TEQ relative au Plan directeur.»  Les intervenants et autres parties intéressées, notamment Hydro-Québec et Énergir, n’ont pas été en reste. On leur a souvent servi le même traitement.

La grenouille pensait-elle vraiment qu’elle allait faire croire à qui que ce soit qu’elle était plus grosse que le bœuf? Se cacher derrière une loi pour bomber le torse et pour regarder la Régie et les intervenants de haut, c’est faire preuve de bien peu de considération. Aucune loi n’est immuable. Nous en avons la preuve, encore une fois.

Des mesures discutables

Systématiquement et méthodiquement, TÉQ a refusé d’expliquer des pans entiers du plan directeur. Elle a refusé de soumettre des études qui auraient permis d’apporter des précisions utiles pour comprendre les hypothèses derrière le plan directeur. Et surtout, elle a refusé d’expliquer certains de ses choix.

Prenons un exemple au hasard: plan directeur, mesure 109. TÉQ annonçait son intention d’offrir, en partenariat avec l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie (AQME), un « accompagnement technique aux consommateurs d’énergie afin d’atténuer l’impression de risque qui accompagne souvent les projets sur l’efficacité et la transition énergétiques. »3

Or, l’accompagnement technique est un acte normalement accompli par des entreprises de génie conseil qui embauchent des ingénieurs ou des techniciens membres d’ordres professionnels établis. C’est la loi. Difficile de justifier qu’un organisme à but non lucratif comme l’AQME puisse faire ce travail, même si elle employait des ingénieurs. Pourtant, l’AQME l’a fait pendant des années avec le soutien financier de l’État. Des firmes de génie conseil, dont plusieurs étaient membres de l’AQME, y voyaient une concurrence déloyale. La mesure 109 du plan directeur n’est que la poursuite de ces activités d’accompagnement. Rien ne justifie une telle mesure.

Absence d’appels d’offres

Il y a plusieurs années, dans son plan d’ensemble d’efficacité énergétique, Hydro-Québec avait fait un appel d’offres pour mener des analyses énergétiques auprès de sa clientèle. TÉQ ne l’a jamais fait dans le cas de la mesure 109 de son plan directeur.

Cette mesure du plan directeur fait aussi suite à une annonce préalable dans le budget du gouvernement du Québec de 2018-2019. On y retrouvait la création d’un fonds de 30 millions $ «…pour offrir des prêts aux entreprises à des conditions adaptées aux projets de rénovation écoénergétique. Les entreprises soutenues par le fonds bénéficieront d’un accompagnement technique de Transition énergétique Québec et de l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie.» De plus, «…la participation du gouvernement consistera en un investissement avec espérance de rendement.» Avec espérance de rendement? C’est ça du financement novateur? C’était en mars 2018.

Ce document publié dans le cadre des audiences de la Régie de l’énergie sur le plan directeur offre un autre regard intéressant sur cette question.4 Il s’agit d’une demande de renseignements du Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROÉE). La demande No. 4 consiste en 10 questions concernant la mesure 109 du plan directeur. À ces 10 questions, TÉQ a offert 10 fois la même réponse laconique: «La demande d’informations dépasse le cadre de la demande de TEQ relative au Plan directeur.» C’était en septembre 2018.

Vérification diligente?

TÉQ a récemment publié une série de rapports de suivi portant sur l’état d’avancement du Plan directeur. Un de ces rapports porte sur l’état d’avancement des mesures sur le financement de la transition énergétique. Pour la mesure 109, nous apprenons que le partenariat avec l’AQME n’est plus envisagé, l’organisme ayant été dissout. Pardon? Dissout?

On s’explique très mal cette dissolution. Comment un organisme identifié par TÉQ pour la livraison de programmes d’efficacité énergétique, pas plus tard qu’à l’automne 2018, peut-il fermer ses portes dans les semaines qui suivent? La question est d’autant plus pertinente après qu’une «pluie de financement» lui est tombée sur la tête.

Des documents publics 5  6 qui font état des aides financières accordées dans le cadre du Fonds vert indiquent que l’AQME a reçu plusieurs centaines de milliers de dollars en fonds publics au cours des dernières années.

  • Du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), il a reçu 220 000 $ en 2016-2017 et 212 500 $ en 2017-2018.
  • Du ministère de l’Économie, Science et Innovation (MESI), il a reçu 194 720 $ en 2016-2017 et 101 511 $ en 2017-2018.

Presque 730 000 $ au total en deux ans. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. L’organisme a reçu d’autres contributions, notamment de TÉQ, du Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et de Ressources naturelles Canada.

Des questions sans réponses

Que s’est-il donc passé au cours des derniers mois pour que cet organisme ferme ses portes? Qu’est-il advenu de la participation de 100 000 $ de l’AQME dans la COOP Carbone, participation acquise en 2010-2011 alors que l’AQME recevait plusieurs centaines de milliers de dollars en fonds publics? Quelle diligence raisonnable TÉQ a-t-il effectué avant d’associer l’AQME à son plan directeur? Quel est l’héritage concret des contributions financières du Fonds vert accordées à l’AQME? Où sont les rapports qui auraient été produits?

L’efficacité énergétique n’a jamais été autant reconnue en tant qu’outil incontournable en matière de transition énergétique. Comment expliquer que le seul organisme québécois qui s’y consacre, et qui existe depuis plus de 30 ans, ferme ses portes soudainement?

Y a-t-il quelqu’un quelque part qui veut vraiment répondre à ces questions?  On en doute. C’est beaucoup plus facile de s’asseoir sur le couvercle de la marmite que de sentir ce qu’il y a à l’intérieur.

Mais en l’absence de réponses, les questions de saine gouvernance restent et resteront, c’est connu. Tout comme ce qui a trait à la reddition de compte. Et certains doutent encore de la pertinence de faire du ménage dans le Fonds vert.

Vivement le retour de l’efficacité énergétique au sein du MERN. Au moins, dans l’avenir, nous saurons à qui poser les questions.

Notes

  1. http://www.environnement.gouv.qc.ca/infuseur/communique.asp?no=4181
  2. http://publicsde.regie-energie.qc.ca/_layouts/publicsite/ProjectPhaseDetail.aspx?ProjectID=455&phase=1&Provenance=A&generate=true
  3. https://www.quebec-energie.com/wp-content/uploads/Plan-directeur.pdf
  4. http://publicsde.regie-energie.qc.ca/projets/455/DocPrj/R-4043-2018-B-0063-DDR-RepDDR-2018_09_07.pdf
  5. https://www.quebec-energie.com/wp-content/uploads/aides-financieres-2016-2017.pdf
  6. https://www.quebec-energie.com/wp-content/uploads/aides-financieres-2017-2018.pdf

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