Je comprends les lobbies de s’activer pour que le gouvernement du Québec ressuscite le crédit d’impôt RénoVert. Je comprends aussi l’ancien ministre Carlos Leitão de vouloir la même chose. C’est tout à fait normal puisque de programme émanait de son gouvernement.
Comme je l’ai écrit dans d’autres articles sur ce blogue, le Fonds vert déborde de toutes parts. Il est donc normal que tout un chacun tente de s’en approprier une partie. C’est dans la nature humaine. De l’argent gratis, tout le monde en veut. Mais rien n’est gratuit dans la vie. Et rien n’est immuable.
Le crédit d’impôt RénoVert n’était pas une mauvaise chose en soi. Mais si on regarde l’offre globale des programmes d’aide financière disponibles au moment de son introduction, il dédoublait inutilement d’autres mesures. Il avait aussi la particularité de favoriser les contribuables les plus aisés. Voici donc, sans ordre particulier, dix bonnes raisons pour ne pas ressusciter le programme RénoVert.
1 – Surchauffe dans le secteur de la construction
La justification d’un programme d’aide financière pour les travaux de rénovation domiciliaire relève généralement d’un désir pour un gouvernement de relancer l’activité économique en période de ralentissement ou à la suite d’une récession. Présentement, le taux de chômage au Québec est à son plus bas depuis deux générations. Il y a un manque notoire de main d’œuvre dans l’ensemble des régions et dans la plupart des activités économiques. Un programme de crédit d’impôt comme RénoVert a contribué à alimenter la surchauffe dans un secteur qui roule déjà à plein régime. En favorisant la demande dans un secteur où l’offre de services est de plus en plus restreinte, le gouvernement n’a fait qu’amplifier la hausse des coûts des travaux de rénovation.
2 – Absence de cotation énergétique
En Europe, tous les programmes d’aide financière reliés à l’efficacité énergétique ou à la transition énergétique reposent obligatoirement sur une cotation énergétique du bâtiment. Cette façon de faire vise notamment l’amélioration de l’étanchéité de l’enveloppe des bâtiments et la réduction de la consommation d’énergie par mètre carré. L’installation d’un système de chauffage efficace ou d’une technologie supposément renouvelable dans une maison qui ressemble à une passoire n’est pas une idée très brillante. L’Europe entière le reconnaît. Malheureusement, il y a eu des centaines de telles installations dans le cadre du crédit d’impôt RénoVert.
3 – Distorsion des marchés
En offrant un crédit d’impôt pour certains produits et pas pour d’autres, le gouvernement fait des choix en lieu et place des consommateurs. Or, le crédit d’impôt RénoVert n’a jamais fait l’objet d’analyses d’impact de quelque nature que ce soit. Rien ne prouve que les choix qui ont été faits par le gouvernement étaient les bons.
4 – Interdit aux locataires
Il y a un vieil adage qui dit qu’il faut de l’argent pour faire de l’argent. Dans le cas d’un crédit d’impôt à la rénovation résidentielle, il faut d’abord être propriétaire pour en profiter. Pour être propriétaire d’une maison, ça prend de l’argent. Aussi, de larges pans de la population du Québec sont exclus de ce programme. Pourtant, tous les locataires du Québec qui possèdent une voiture contribuent à nourrir le Fonds vert, d’où provenait le financement du crédit d’impôt RénoVert.
5 – Interdit aux pauvres
Être propriétaire ne suffit pas. Si l’objectif est d’améliorer la performance énergétique des résidences au Québec, on passe probablement à côté. Pour profiter du crédit d’impôt RénoVert, il fallait non seulement être propriétaire, mais aussi être un propriétaire qui a les moyens de faire des travaux. On peut raisonnablement supposer que ce ne sont pas nécessairement les maisons des propriétaires les plus riches qui ont le plus besoin de travaux de rénovation.
6 – Mesures non rentables
Plusieurs technologies qui ont fait l’objet du crédit d’impôt ne sont tout simplement pas rentables et ne le seront jamais. Et souvent, ce sont également les plus chères. C’est notoirement le cas pour la géothermie résidentielle. À un coût moyen dans les trente mille dollars et plus, il est impossible de recouvrer l’investissement sur la durée de vie utile des équipements, soit environ une quinzaine d’années. Le crédit d’impôt RénoVert a donc fortement financé des mesures non rentables.
7 – Fraude fiscale
Ben oui. Des fraudeurs, il y en a partout. Même en matière de rénovation résidentielle. Par exemple, un propriétaire pourrait faire croire qu’il remplace une chaudière au mazout par une fournaise centrale électrique. Tout ce qu’il faut, c’est un entrepreneur complaisant qui fera une fausse déclaration. Pas besoin d’inspection. Pas besoin de preuve. Juste conserver les factures des travaux au cas où votre dossier fasse l’objet d’une analyse fiscale. Vous pensez que je fabule?
8 – Modèles d’affaires déficients
Sous le couvert de vouloir sauver la planète, certaines entreprises ont développé des modèles d’affaires qui nécessitent obligatoirement l’assistance sociale de l’état pour être rentables. Dans des circonstances de marché normales, ces entreprises seraient en faillite. À moins que les programmes demeurent en place de manière permanente, ces entreprises vont fermer leurs portes un jour ou l’autre. Le cas échéant, qui sera responsable de maintenir la garantie des travaux déjà effectués?
9 – Dédoublement des programmes
Le Conseil de gestion du Fonds vert a pondu un rapport assez critique à ce sujet. Au cours des dernières années, le chevauchement de différents programmes a multiplié les aides financières et les crédits d’impôt pour les mêmes interventions en efficacité énergétique. À titre d’exemple, le remplacement d’un système de chauffage au mazout par une alternative électrique permettait d’obtenir de l’aide financière du programme Rénoclimat, de Chauffez vert et du crédit d’impôt RénoVert. Avec ces trois programmes, si vous aviez les moyens d’investir 50 000$, selon la nature des travaux, vous pouviez avoir droit à des subventions de plus de 15 000$. Ce ne sont pas tous les ménages qui avaient les moyens de recevoir une telle aide financière!
10 – Aucune évaluation des taux d’opportunisme
Le programme RénoVert n’a jamais fait l’objet d’une évaluation des taux d’opportunisme. Rappelons que le taux d’opportunisme mesure le pourcentage d’individus qui auraient normalement fait des travaux de rénovation même en l’absence de programmes d’aide financière ou de crédits d’impôt. Comme il s’agit d’une activité économique normale, la logique veut que le gouvernement n’offre pas d’aide financière pour la soutenir. Pour les programmes d’efficacité énergétique d’Hydro-Québec et d’Énergir, la Régie de l’énergie n’autorise habituellement pas la poursuite d’un programme si son taux d’opportunisme est jugé trop élevé. Une logique appliquée par toutes les régies de l’énergie dans le monde. Le crédit RénoVert n’a jamais été soumis à l’analyse de la Régie de l’énergie.