Transition énergétique: des cerveaux et de la ferraille

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Monsieur le premier ministre Legault. Voici une idée qui pourrait vous permettre de passer à l’histoire. Je vous la donne. Gratis. Il s’agit d’une idée d’investissement pour la transition énergétique. Et qui permettrait de faire les choses autrement, et de montrer que parfois, en politique, il faut faire preuve d’audace. Il s’agit d’investir dans le Québec de l’avenir. De faire rayonner nos idées partout dans le monde.

Les éoliennes de la discorde

La Presse du 10 février 2019 1 nous rappelait les bouleversements sociaux conséquents à la construction d’un parc éolien dans les Bois-Francs. Les citoyens de Sainte-Sophie-d’Halifax, de Saint-Ferdinand et de Saint-Pierre-Baptiste s’entre-déchirent. Plusieurs se regardent comme chiens de faïence depuis au moins 2011. Les uns se réjouissent d’en tirer des bénéfices. Les autres jugent que le projet a saccagé les paysages et empoisonné leur vie. Les gens s’enguirlandent à qui mieux-mieux. Mais, à ce que je sache, ils n’en sont pas encore venus aux poings.

L’article de La Presse citait Marie-Ève Maillé, une chercheuse de l’UQAM. Madame Maillé est professeure associée au Centre de recherche interdisciplinaire sur le bien-être, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE). Sa thèse de doctorat s’intitule « Information, confiance et cohésion sociale dans un conflit environnemental lié à un projet de parc éolien (Canada) ». 

Ce nom me disait quelque chose. La professeure Maillé a été poursuivie en justice, il y a quelques années. L’entreprise Éolienne de l’Érable voulait avoir accès aux données de recherche confidentielles utilisées pour sa thèse de doctorat. Un jugement favorable à l’entreprise avait été rendu en janvier 2016, mais la Cour supérieure a cassé ce jugement en mai 2017. La décision de la Cour supérieure tranchait en faveur de la protection de la confidentialité des données de recherche de la chercheuse.2

Les travaux de la professeure Maillé nous rappellent qu’il y a toujours deux côtés à une médaille. Ils nous rappellent aussi que tous les projets énergétiques ont un impact, qui peut être environnemental, qui peut être économique, mais qui peut aussi, et souvent, être social. Et ce constat s’applique aussi bien aux projets de transition énergétique qu’à ceux des sables bitumineux.

Mais surtout, les études de la chercheuse montrent que l’énergie, ce n’est pas seulement une affaire de sciences « dures ». Elles nous éclairent sur l’importance des sciences dites « molles ». Ce genre de recherche est extrêmement louable et surtout nécessaire pour trouver le bon équilibre dans l’exploitation de nos ressources naturelles. Les traditionnelles comme les transitoires.

Le financement des idées

Désolé pour cette longue introduction monsieur Legault. Il est toujours opportun de mettre nos idées en contexte.

Il y a quelques semaines – c’était avant de lire l’article de La Presse – j’ai sorti ma calculette, question de triturer quelques chiffres et d’essayer de leur faire dire quelque chose d’utile. Pour ce faire, j’ai regardé la Plan directeur de Transition énergétique Québec, et j’ai cherché un endroit où je pourrais trouver l’argent nécessaire pour qu’une idée qui me trotte dans la tête depuis un certain temps voit le jour.

J’ai vite trouvé. Tout près d’un milliard de beaux dollars. Il s’agit essentiellement des subventions aux voitures électriques. Premièrement, ces subventions sont inutiles et servent à acheter des produits fabriqués hors Québec. Dans une transition énergétique qui vise le long terme, ce qui importe c’est d’investir dans des infrastructures, pas dans les bébelles qui vont utiliser ces infrastructures. Les bagnoles vont aboutir à la ferraille dans un horizon prévisible de 7 à 10 ans, et tout sera à recommencer.

Deuxièmement, le volume d’achat de véhicules électriques au Québec n’aura jamais d’influence sur la diminution de leur prix ni sur leur disponibilité. À preuve, au dernier salon de l’auto de Montréal, les constructeurs y présentaient plus d’une quarantaine de modèles. Ce n’est très certainement pas le volume d’achat du Québec qui conditionne ce marché. La voiture électrique se porte très bien toute seule. Comme disent certains de mes amis avocats, c’est une évidence évidente.

Nous avons donc un milliard de dollars à notre disposition. Posons l’hypothèse que nous confions ce milliard à la Caisse de dépôt et de placement du Québec pour l’investir dans l’économie du Québec et que la Caisse nous donne un rendement annuel de 4 %. Je suis convaincu que la Caisse peut s’acquitter convenablement de cette tâche. Un tel placement générera 40 millions annuellement, que nous pourrons réinvestir ailleurs.

Bourses d’études de la transition énergétique

Voici donc mon idée. Je trouve que les jeunes au Québec ont beaucoup de talent. Supposons que je veuille créer des bourses d’études pour bien comprendre les enjeux énergétiques, pour inventer de nouveaux produits efficaces, pour exploiter nos ressources de manière responsable ou encore réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière durable. Plus précisément, des bourses d’études de la transition énergétique.

Supposons ensuite que je veuille offrir des bourses pour le doctorat et pour la maîtrise. Supposons enfin que je souhaite encourager la recherche autant dans des domaines comme le génie, la physique, la chimie, la santé, la biologie et autres sciences dites « dures », que dans des domaines comme la psychologie, l’économie et l’administration, l’urbaniste, la géographie, les relations sociales, la philosophie, bref, ce que certains appellent les sciences plus « molles ».

Donc, des bourses de maîtrise et de doctorat dans tous les domaines possibles et imaginables, mais obligatoirement réparties dans les deux grands axes définis plus haut. Ces bourses seraient attribuées au prorata du nombre d’étudiantes et étudiants dans toutes les universités du Québec. Combien de bourses pensez-vous que je vais pouvoir attribuer chaque année?

Une fois à plein régime, et tous domaines confondus, il y aurait 200 bourses de 25 000 $ pour le doctorat (renouvelables pour quatre ans) et 600 bourses de maîtrise de 10 000 $ (renouvelables pour deux ans). Ce programme s’appliquerait chaque année, le fonds de dotation ne s’épuisant jamais! Pour un investissement total de 32 millions de $ par année, J’aurai en prime 8 millions de $ pour assurer la gestion des bourses, ce qui est largement suffisant.

Réfléchir pour mieux agir

Si on amorce l’opération à compter de 2020, les premières doctorantes et les premiers doctorants diplômeront en 2024. À la maîtrise, nous pourrons bénéficier de mémoires, d’articles scientifiques et autres documents de réflexion dès 2022. Des centaines d’études qui traiteront, sous des angles différents, de la transition énergétique. Comme pépinière d’idées et une saine diversification de celles-ci, difficile de faire mieux.

Et ce n’est pas tout. Les travaux de recherche permettront évidemment la création et le développement de nouveaux produits que nous fabriquerons ici, au Québec, et que nous pourrons ensuite exporter. Nos connaissances en matière d’impacts sociaux, économiques et, pourquoi pas, éthiques, nous permettront de mieux comprendre et de protéger notre environnement. De partout à travers le monde, on sollicitera notre expertise. Ça commence drôlement à ressembler à du développement plus que durable.

Le plan directeur de Transition énergétique Québec planche sur un budget de dépenses de presque 7 milliards de $ sur cinq ans. Je propose d’en prendre un tout petit milliard pour investir dans le potentiel des jeunes, dans leurs idées, mais d’abord et avant tout, dans leur avenir et dans notre avenir à toutes et à tous.

Personnellement, je préfère de loin que mes impôts, directs et indirects, servent à mettre du pain sur la table de nos étudiantes et étudiants plutôt qu’au financement des lubies aérospatiales d’Elon Musk. Bien sûr, c’est une question de choix.

Alors monsieur Legault, l’idée vous plaît-elle?

(Illustrations: Pixabay)

Notes

  1. https://www.lapresse.ca/actualites/regional/201902/10/01-5214167-une-collectivite-dechiree-par-un-parc-eolien.php
  2. https://www.actualites.uqam.ca/2017/victoire-marie-eve-maille-jugement-protection-confidentialite-donn%C3%A9es-recherche

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